Encadrement : | Y. Géraud (GéoRessources) et M. Diraison (EOST-IPGS) |
Equipe d’accueil : | CNRS/GeoRessources |
Date de début : | 1er mars 2015 |
Nom du candidat : | V. Navelot |
Description complète
Alors que la géothermie connaît un engouement grandissant, la géothermie de haute enthalpie en est encore à ses balbutiements. La géothermie profonde en France métropolitaine se développe grâce notamment à de nombreux projets de recherche et développement dans le domaine, le site de Soultz-sous-Forêt en étant un démonstrateur avéré. Le terrain de prédilection pour pratiquer la géothermie dans le but de produire de l’électricité en masse reste donc les domaines volcaniques des départements et territoires d’outre-mer.
Ces réservoirs en contexte péri-volcaniques sont exploités depuis plusieurs années par des pays situés idéalement : l’Islande (Bergerat et al., 2013 ; Bodvarsson et al., 1984 ; Violay, 2010) en est un bon exemple, tout comme le Japon (Suryadarma et al., 2010 ; Yahara and Tokita, 2010) ou encore la France et ses Antilles (Bernard, 2010 ; Bouchot et al., 2010 ; Zlotnicki et al., 1998). En Guadeloupe particulièrement, un site est déjà en place dans la baie de Bouillante, et ce depuis les années 60 (UVED, 2010). Malgré de nombreuses études (Bourdon et al., 2011 ; Calcagno et al., 2012), la compréhension d’un tel système reste très limitée. En effet le contexte de dépôt des formations ciblées (principalement des dépôts allant de coulées de laves à du volcano-sédimentaire) (EURAFREP, 1960) présentant une géométrie complexe et une grande variété de propriétés dans un volume restreint rend la tâche ardue.
Les données disponibles pour ces réservoirs sont généralement de nature bien différentes. Elles peuvent aller des données géophysiques à grande échelle (Bangs et al., 2003 ; Christeson et al., 2003 ; Evain et al., 2013 ; Kopp et al., 2011) aux données de puits d’exploration et de production (boues de forage, jeux diagraphiques, etc.) (EURAFREP, 1960). Des données complémentaires peuvent être obtenues par le jeu des analyses géochimiques des eaux de forage, voire des eaux prélevées dans les sources chaudes qui affleurent souvent à l’aplomb des réservoirs (Brombach et al., 2000 ; Mas et al., 2006; Sanjuan et al., 2001). Ces données vont de l’échelle métrique ponctuelle (par le biais des forages) à une échelle plurikilométrique (grâce à la géophysique) et ne peuvent être mises en relation que par le biais d’une étude rigoureuse d’analogues de terrain (Bouchot, 2008). En effet, l’échelle lacunaire entre ces deux sets de données est primordiale pour comprendre le fonctionnement du réservoir et les circulations des fluides qui le parcourent. De telles études ont déjà été réalisées dans les réservoirs de socle (Le Garzic, 2010 ; Place, 2010 ; Le Garzic et al., 2011) mais attendent d’être étoffées dans un contexte périvolcanique.
Un paramètre important pris en compte dans la littérature est l’influence apparente sur les circulations des structures héritées (Bouchot, 2008 ; Calcagno et al., 2012 ; Feuillet et al., 2001 ; Lachassagne et al., 2009). En effet, dans le cas du réservoir de Bouillante, un rôle important est donné aux différentes structures à grande échelle (graben de Marie-Galante et zone de faille de Montserrat-Bouillante). Ces structures héritées sont de véritables couloirs de transfert permettant une direction de circulation privilégiée au sein de réservoir et possédant des propriétés de transfert très variables en fonction de la proximité d’une zone de faille (Bernard, 1999 ; EURAFREP, 1960 ; Guillou-Frottier, 2003).
Ces géométries sont assez bien caractérisées à grande échelle par les nombreuses études passées (Bangs et al., 2003 ; Bouchot et al., 2008 ; Calcagno et al., 2012 ; Lachassagne et al., 2009 ; Lopez et al., 2010), mais le sont néanmoins assez peu à des échelles plus petites comme celles de l’affleurement voire de l’échantillon. Quelques jeux de données de pétrophysique sont disponibles pour des exemples en contexte péri-volcanique (Bernard, 1999 ; Violay, 2010) mais ceux-ci se concentrent sur la diversité d’une formation à l’autre et non pas sur l’anisotropie possible au sein d’un même échantillon. En effet, l’influence de structures héritées dans le fonctionnement d’un réservoir est avéré (Calcagno et al., 2012 ; Guillou-Frottier, 2003 ; Lachassagne et al., 2009) et on peut donc considérer que la proximité d’une faille ou d’une fracture, à toutes les échelles, va avoir une influence sur l’anisotropie des propriétés de la matrice, et donc sur les conditions de transport et de stockage des fluides géothermaux.
L’objectif de la thèse va être d’intégrer l’ensemble de ces données et de se faire le lien entre l’échelle ponctuelle du forage et celle de la géophysique pour parvenir à une compréhension complète du système géothermique. Cela va passer par la création d’un jeu exhaustif de données pétrophysiques de terrain et de laboratoire pour mettre en valeur l’influence de la matrice dans les propriétés de stockage et de transfert du réservoir, l’analyse de la répartition de la fracturation sur le terrain et à grande échelle à l’aide des résultats de la campagne géophysique, pour enfin aboutir à la création d’un modèle d’écoulements en réservoir complet prenant en compte la diversité des paramètres. Enfin, il s’agit d’établir un démonstrateur qui servira par la suite de modèle pour l’implantation de futures centrales géothermiques en contexte équivalent.
Cette thèse s’inscrit au cÅ“ur d’une démarche de développement des Énergies Renouvelables, mettant en relation des organismes publics comme l’ADEME et des entreprises privées comme Teranov, par le biais de la participation active du CNRS dans la R&D du projet. Le but de ce consortium est de mettre en avant les qualités et compétences de chacun au service d’un projet durable : l’expérience de l’ADEME dans la coordination de projets, celle de Teranov dans l’implantation de centrales à haute enthalpie et celle du CNRS dans la gestion de la recherche fondamentale et appliquée. Cette thèse s’articulera autour du projet GEOTREF (GEOThermie haute énergie dans les REservoirs Fracturés) en collaboration avec quatorze autres thèses complémentaires et devra travailler de concert pour que les compétences et résultats des uns servent de base de travail aux autres. De plus, l’étudiant pourra profiter des connaissances importantes de l’équipe Ressources Carbonées en matière de réservoirs dans le domaine des réservoirs pétroliers. Il devra utiliser les outils performants déjà mis en place dans l’expertise pétrolière et les adapter à l’expertise géothermique.
Afin de répondre aux problématiques citées et de permettre l’élaboration d’un modèle solide de fonctionnement d’un tel réservoir géothermique, les travaux s’appuieront sur une étude pluridisciplinaire et pluri-scalaire du système. L’étudiant prendra part à la mise en place de méthodes innovantes d’analyses pétrophysiques, ainsi qu’à l’intégration de données géologiques dans un modèle hydro-thermo-mécanique de réservoir. Ces travaux, basés sur une étude de cas sur le site de Vieux-Habitants aux Antilles et d’analogues de terrain, permettront d’établir un manuel d’installation d’un site d’exploitation et amélioreront les connaissances fondamentales déjà disponibles dans le domaine des réservoirs périvolcaniques, de leur géométrie et de leur fonctionnement. Ce travail s’articulera autour de l’avancement des travaux sur le terrain, en trois phases principales.
La première phase se déroulant en amont des forages se concentrera sur la mise en place de méthodes d’analyse nouvelles en pétrophysique, basées sur les travaux passés de l’équipe (Géraud et al., 2010 ; Perry, 2013 ; Stanek et al., 2010). Elle sera composée d’étude de terrain, d’analyse des orthophotographies disponibles dans la région afin de définir un cadre structural en appui permanent sur la littérature existante dans la région. De plus, elle pourra voir la mise en place d’un pré-modèle géologique à l’aide du logiciel GOCAD qui servira de base à la modélisation hydro-thermo-mécanique.
La seconde phase, réalisée simultanément aux forages, s’adossera aux diverses données de puits : carottes, logs, diagraphies. De plus, cette analyse sera complétée par le jeu de données géophysiques marines et terrestres, ainsi que par les bases posées lors de la première phase. Le but de cette phase est d’intégrer les données de puits au pré-modèle établi, afin de l’ajuster pour permettre l’établissement d’un modèle calé sur les puits. L’intégration des données pétrophysiques récoltées et des données structurales à grande échelle permettra une compréhension de la répartition entre zones de transport et zones de stockage, ainsi que l’influence des circulations dans le potentiel de stockage des formations.
La dernière phase post-forages permettra à l’étudiant de participer à l’élaboration du modèle définitif et de proposer ses connaissances géologiques pour l’interprétation de celui-ci. Ce modèle basé sur une géométrie définie par les structures héritées ainsi que la disposition des diverses formations et prenant en compte les propriétés pétrophysiques de celles-ci aux abords des zones de transfert servira à comprendre pleinement le fonctionnement d’un tel système afin de l’exploiter le plus judicieusement et durablement possible.